TEXTES GENERAUX ACCOMPAGNEMENT
CHARTES
Villeurbanne Charte Villeurbanne 2001
Rennes Charte Rennes 2002
PRESSE
Revue Marsyas
La Lettre du Musicien
MEMOIRES
L’invention du métier d’accompagnateur, Bruno Puren
PRESSE
Article extrait du dossier « l’Accompagnement », Revue Marsyas n°33, IMPC/cité de la musique, mars 1995
Les musiciens de l’ombre par Marie-Paule SIRUGUET
Marie-Paule SIRUGUET est pianiste, professeur de piano et d’accompagnement au CNR de Boulogne-Billancourt. Elle a été coordinatrice de la session de préparation au diplôme d’état d’accompagnement 1995.
Accommodant : Complaisant. Sociable. Conciliant.
Accompagner : Suivre. Escorter. Se joindre à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui.
Accompagnateur : Personne qui guide (un groupe de touristes?)
Accompagné : Se dit d’une figure principale ayant à ses côtés des pièces secondaires(plat accompagné de salade).
Accompagnement : Action de jouer une partie musicale de soutien à la partie principale. Ensemble de sons qui s’harmonisent avec une mélodie donnée, vocale ou instrumentale(en termes militaires : action de soutien)
Accomplir : Mener à terme. Achever.
En faisant précéder les définitions relatives à l’accompagnement par le mot accommodant, le dictionnaire nous donne déjà une précieuse indication sur l?accompagnateur. Notons que le verbe qui suit est accomplir, et que l’accord est tout proche’
Toute l’ambiguïté du rôle de l’accompagnateur est montrée d’emblée par ces définitions. Le considère-t-on comme celui qui suit, à qui l’on peut tout demander (surtout de ne pas jouer trop fort) ? Est-il plutôt celui qui guide, soutient, conduit (sans en avoir trop l’air), ou uniquement une pièce « ajoutée » qui gêne l’instrumentiste pour respirer et jouer librement ? Dans certains cas, il lui arrive même de douter de sa propre existence.
L’accompagnateur transparent
Il y a quelques années, le théâtre des Champs Elysées annonçait le récital d’un violoniste célèbre. Croyant l’entendre jouer des oeuvres pour violon seul, je fus surprise de voir un piano sur scène. En fait ce soir là étaient interprétées trois sonates pour violon et piano (Beethoven, Fauré, Franck !). Sur le programme, le plus petit caractère d’imprimerie était réservé au nom du pianiste, qui malgré son talent et sa notoriété devait sans doute s’estimer heureux d?être mentionné.
Cette pratique tend à disparaître mais reste cependant fréquente, par exemple pour annoncer des récitals de chant. J’ai moi-même vécu une mésaventure qui m’a laissé un goût amer. Après que j’aie « accompagné » le Roi des Aulnes de Schubert, un ami du chanteur se précipita vers lui en me frôlant de si près que j’eus l’impression d’être invisible, et, à trente centimètres de moi, lui dit : « Bravo, tu as magnifiquement chanté »? Quand il a un peu plus de chance, le pianiste peut s’entendre dire d’un air condescendant : « Bravo à vous aussi ». L’accompagnateur, pourtant sur scène devant un public, est déjà transparent.
Imaginez alors le sort des accompagnateurs des conservatoires ou écoles de musique, travailleurs saisonniers pour concours et auditions, qui accompagnent « à la chaîne » des dizaines d’élèves dans un parfait anonymat. Il leur faudra pourtant, avant de parvenir à ce poste envié d?accompagnateur officiel d’un conservatoire, parcourir un long chemin semé d’embûches, les principales s’appelant diplôme d’état et certificat d’aptitude.
Quelques raisons d’être perplexe
Malgré les diverses commissions qui se sont réunies pour définir les contenus de ces deux concours, on peut encore noter quelques décalages entre les épreuves demandées et la réalité. Notre futur accompagnateur a quelques raisons d’être perplexe. Pourquoi, pour le dernier certificat d’aptitude, doit-il accompagner des chanteurs, des instrumentistes et des danseurs, alors que les compétences demandées pour accompagner des cours de danse sont notablement différentes de celles exigées pour les deux autres disciplines ? Il faut en effet pouvoir improviser, regarder le danseur (ce qui exclut transposition et déchiffrage). Une option séparée serait préférable, d’autant plus que les postes proposés par les écoles de musique et de danse sont en général distincts.
Pour le diplôme d’état session 1995, en revanche, les options chant et instrument sont séparés, bien que souvent les personnes concernées soient conduites à accompagner l’instrument et le chant.
Pourquoi, pour le diplôme d’état, doit-on réduire un ensemble à vent accompagnant un des instrumentistes ? Si un hautboïste vient travailler avec piano, ce sera un concerto ou une sonate, pas un ensemble à vent !
Et pourquoi, pour le certificat d’aptitude, doit-on transposer avec un instrumentiste, ce qui n’arrive guère que pour la contrebasse ?
Pour travailler avec des chanteurs, savoir transposer est évidemment indispensable. Avec le développement des départements de musique ancienne, il est également nécessaire de savoir réaliser au clavecin un continuo. Etre capable d’improviser l’accompagnement d’une mélodie permet de jouer quand même avec le-jeune-élève-qui-a-oublié-sa-partie-de-piano !
Mais la réduction d’orchestre est tout aussi importante, car elle permet d’acquérir des réflexes très sûrs, une grande rapidité d’analyse, une vision plus globale de n’importe quelle autre partition (n’oublions pas qu’il faut lire quatre lignes pour accompagner un chanteur : les trois lignes musicales et les paroles). Réduire une partition d’orchestre développe l’imagination sonore, la science du toucher et des timbres indispensables à tout pianiste, accompagnateur ou non?
Toutes ces connaissances sont d’un grand intérêt pour la formation de nombreux musiciens : les chefs d’orchestre, organistes ou compositeurs étaient nombreux (jusqu’à une époque relativement récente) en classe d’accompagnement. On y venait pour élargir ses connaissances musicales, sa culture, pour acquérir une plus grande liberté de pensée, pour approcher la musique autrement. Comme le disait Maurice Emmanuel parlant de Claude Debussy, « à la classe d’accompagnement on apprend tout?sauf à accompagner »?Il n’y avait pas d’épreuve de piano pour entrer dans cette classe.
Les choses ont changé : on exige aujourd’hui de bien jouer du piano pour accompagner ; aucune science, aucune théorie ne suffira à faire un bon accompagnateur s’il ne maîtrise pas toucher, sonorité, legato, phrasé, couleurs?-bref, la vraie technique pianistique. Aider un chanteur ou un instrumentiste à s’exprimer sur scène, c’est une certaine façon de jouer, de suggérer des ambiances, de conduire une phrase, de « répartir les ombres et la lumière » comme le dit si bien Liszt parlant du rôle du chef d’orchestre.
Un accompagnateur doit être capable de jouer des partitions pianistiquement très difficiles ; il doit prendre suffisamment de recul par rapport à son piano, être à l’écoute, disponible. Hans Hotter avait ainsi défini ce qu’il attendait d’un accompagnateur : ? « qu?il soit d’abord un très bon pianiste-qu’il me laisse libre, me suive, et qu’il me rappelle à l’ordre lorsque je m’égare ». En un mot un accompagnateur devrait jouer encore mieux qu’un pianiste !
Un manque de considération
Malheureusement, c’est loin d’être toujours le cas. De nombreux professeurs de piano disent encore aujourd’hui : « cet élève n’est pas assez bon pour faire quelque chose en piano, ce serait bien de le diriger vers l’accompagnement ». Que doit-on entendre par « faire quelque chose en piano », et que feront les pianistes « capables » au dire des professeurs ? Chacun sait comme il est facile de vivre de récitals de piano ou de concerts de musique de chambre ! Ces pianistes enseigneront pour gagner leur vie-ce qui peut bien sûr être passionnant- mais souvent, ils ne joueront plus du tout ! Paradoxalement, ce sont les accompagnateurs qui continuent à jouer régulièrement?du piano. Ajoutons que lorsqu’un jeune pianiste manifeste son goût pour l’accompagnement, disant qu’il préfère de loin jouer avec d’autres musiciens, avoir des contacts plus riches avec eux, et avouant qu’il n’aime pas jouer seul, il provoque des réactions très étonnées, voire dédaigneuses.
Nombre de pianistes viennent donc à l’accompagnement par défaut de moyens pianistiques : une grande partie du malaise ressentie tant par les pianistes que par les instrumentistes ou les chanteurs vient de cette réalité. On a vu tant de mauvais pianistes-plus ou moins aigris- obligés de gagner leur vie par ce moyen, que le manque de considération dont souffre ce métier n’est pas étonnant. Toutefois cette situation évolue favorablement car il y a de plus en plus d’accompagnateurs compétents.
En effet, peu à peu, une réelle prise de conscience s’opère quant aux métiers de l’accompagnement : de nombreux directeurs soulignent auprès des parents d’élèves les avantages de ces débouchés, face au « pianiste pur » voué au chômage irréfutable !
En réalité, lorsque des conditions de travail meilleures seront consenties aux accompagnateurs, les meilleurs pianistes n’hésiteront plus à s’engager dans cette voie?
Un pouvoir inquiétant
Un mauvais accompagnement peut gêner et déstabiliser à tel point que l’on préférera ne pas écouter le piano, et même nier son existence ; à l’inverse, un bon accompagnement pourra imposer la qualité du jeu. Ce pouvoir de l’accompagnateur est réel ; peut-il être perçu comme inquiétant, le « soliste » se sentant très dépendant d’un élément qu’il a appris à ne pas considérer comme essentiel ?
Bien sûr, chacun sera plus à l’aise si le pianiste n?est pas en train de déchiffrer ; l’accompagnateur s’expose en effet à être mal perçu (comme pianiste et musicien) si on l’écoute seulement en situation périlleuse de lecture à vue ; souvent déconsidéré, il est finalement surestimé : on le veut capable de jouer n’importe quelle partition à n’importe quel moment, à première vue, oubliant la terrible difficulté que représente la lecture simultanée de dizaine d’informations (d’où ce souhait, si souvent exprimé : « donnez-nous les partitions à l’avance »).
Notons-le : en France, l’accompagnement repose essentiellement sur le déchiffrage ; dans d’autres pays, on préfère que le pianiste apprenne le répertoire ; il arrive que l’accompagnement des concertos soit appris en classe de musique de chambre. Le répertoire est bien sûr immense ; c’est d’ailleurs ce qui attire certains pianistes vers ce métier.
La pierre angulaire de conservatoire.
Imaginons notre accompagnateur-excellent-pianiste-et-musicien sachant réduire, transposer, harmoniser, rattraper les erreurs de ses partenaires, connaissant bien le répertoire?Il ne lui reste plus qu’à posséder les qualités ultimes d’un pianiste apprécié et respecté de tous, professeurs et élèves : un très bon contact humain, un rayonnement, une disponibilité, une grande diplomatie ; il lui faudra toujours être souriant, patient, tonique ; il devra inspirer la confiance, être solide, car même à l’issue de longues journées d’examen on ne dira pas « le pianiste est fatigué », mais « le pianiste est mauvais » !Il faudra qu’il dise oui le plus souvent possible, qu’il dégage des ondes calmes et positives, qu’il soit capable d’absorber le trac et la nervosité de tous (élèves, professeurs, parents, même !) sans que cela rejaillisse sur sa façon de jouer.
Toutes ces qualités (souplesse, soutien, disponibilité, mise en confiance, écoute) doivent être comprises aussi bien humainement que musicalement et devraient faire de notre accompagnateur la pierre angulaire de tout conservatoire. Il est le mieux placé pour relier de nombreux éléments. Musicalement c’est lui qui recrée l’unité de l’oeuvre, entre « partie du haut » et tout le reste. C’est lui qui montrera à l’élève la cohérence des divers éléments de la partition, pensée par le compositeur dans sa globalité, et qui fera vivre des silences si souvent considérés comme des vides lorsqu’ils se trouvent dans la partie « soliste ».
Des liens privilégiés avec les élèves
Il peut avoir des liens privilégiés avec les élèves : il joue avec eux ; quel professeur pourrait en dire autant ? C’est avec lui qu’ils partagent l’émotion et l’intensité du moment où ils sont sur scène, moment où s’accomplit la Musique dans le temps, dans sa réalité. C’est lui qu’il regarde en dernier avant de commencer à jouer, recherchant soutien et confiance.
Cet instant, qui devrait être privilégié, ne peut malheureusement être ressenti comme tel. La plupart du temps, l’on ne joue qu?une fois ou deux par an avec piano, pour les auditions et les examens, avec souvent deux répétitions au maximum . Ce qui donne à l’enfant l’impression que jouer avec piano est synonyme de stress? Il découvre à la fois la partie de piano et le trac, enchaîne souvent pour la première fois son morceau sans s’arrêter, sans avoir réaliser ce qui se passe. Il ne pourra ressentir que les contraintes imposées par la présence du piano. Aller en mesure sera une obligation pénible, non une nécessité musicale. Et il entendra son professeur lui demander : « As-tu été gêné par le piano ? », ce qui confirmera sa propre impression? Quelle étrange manière de considérer la musique, dès le début !
L’accompagnateur régulier est aussi le lien entre le professeur et les élèves, souvent à mi-chemin entre le « copain » et le « professeur ». Il pourra même dans certaines classes être une bouffée d’air, un « tampon » (particulièrement avec les chanteurs, qui sont souvent les plus dépendants de lui et qu?il retrouve chaque semaine, ce qui lui permet une plus grande connaissance de leur personnalité souvent?vulnérable). Le pianiste peut stabiliser les choses dans les cas de relations souvent intenses et tendues entre le professeur de chant et les élèves. Cela apporte un grand enrichissement humain, mais n’est pas de tout repos.
Un rôle pédagogique important
Si le pianiste a la chance d’avoir un moment seul avec les élèves il peut faire avec eux un réel travail de formation musicale, à tout niveau, s’il ne se contente pas d’apprendre à compter les temps dans un lied de Schumann. Il peut enseigner à écouter, à lire une partition avec piano, à construire leur travail, à prendre conscience d’une dimension harmonique?
Son rôle pédagogique sera tout aussi important que celui du professeur d’instrument ou de formation musicale. Beaucoup de choses se mettraient bien plus naturellement en place si l’on jouait régulièrement dès les plus petits niveaux avec piano : justesse, rythme, mesure, ne seraient plus des notions abstraites mais feraient partie de la réalité musicale. Apprendre à écouter les répliques de piano est tout de même plus intéressant que de compter dans le vide ! Et la justesse par rapport à l’harmonie est tellement plus facile à entendre !
Il faudrait provoquer chez les professeurs d’instruments le besoin d’inciter régulièrement leurs élèves à travailler avec piano. Le compositeur ne dissocie pas la partie soliste de l’accompagnement ; c’est un tout. Cette évidence n’est pourtant pas assez prise en compte. Cela demande au professeur d’avoir un lien d’estime et de confiance avec le pianiste, qu’il accepte que l’élève sorte de son giron pour aller travailler avec un autre musicien. Il doit en effet présenter l’accompagnateur comme un musicien. Son attitude déteint sur celle des élèves, c’est à lui de faire naître le respect et la considération pour « le pianiste ». A la décharge des professeurs peu motivés par cette collaboration, c’est la durée qui crée la confiance. Encore une fois, l’utilisation de l’accompagnateur est trop saisonnière.
En outre, une réelle collaboration avec les professeurs peut être extrêmement formatrice pour le pianiste. Un accompagnateur a besoin de connaître les particularités d’un instrument, il doit apprendre ce qu’il faut faire (ou éviter) pour aider un élève à respirer, à aborder certains problèmes techniques ou musicaux. Il n’est pas toujours le mieux placé pour juger de l’équilibre sonore. Le professeur attentif à ce que fait son pianiste peut lui apporter une aide précieuse.
C’est d’abord au directeur de bien recruter son accompagnateur et de faire prendre conscience, tant aux autorités municipales qu’à toute son équipe pédagogique, qu’un accompagnateur régulier est indispensable à la bonne marche et au bon niveau d’un établissement. C’est à lui de le mettre au centre du conservatoire, de le présenter comme un collaborateur que l’on estime.
Il faudrait d’autre part lui donner à l’avance les partitions des oeuvres qu’il aura à accompagner ; s’arranger même dans certains cas- je pense à des oeuvres très difficiles pour saxophone-, pour les avoir déjà vues avec le piano en cours d’année avant de les donner à l’examen.
Il faudrait apprendre aux élèves que l’on n’oublie pas sa partie de piano quand on va le voir, et que l’on fait avec lui de la Musique, pas de la « mise en place ».
Il faudrait le faire jouer sur des pianos corrects ( il m’est arrivé d’accompagner une chanteuse pour une audition, et le petit piano d’un grand théâtre n’avait pas de pédale droite,qui était cassée !). Il est à noter que même dans des conservatoires de très haut niveau, les élèves des classes d’accompagnement n’ont pas aussi facilement accès aux classes dotées de bons pianos que les autres pianistes. On leur donne même parfois des studios sans piano, ce qui montre bien que l’accompagnateur n’est pas vraiment perçu comme pianiste !
Il faudrait lui faire subir moins de pression au moment des examens ; Messieurs les directeurs, pensez à son planning avant d’établir le calendrier des concours.Pas trop de journées-marathon d’affilée, il jouera mieux s’il n’est pas totalement épuisé, les élèves aussi.
Il faudrait regrouper les répétitions de façon à éviter qu’il se déplace pour une ou deux heures, ou au contraire que ses journées deviennent impossibles. Etre disponible ne signifie pas être corvéable à merci. Il est parfois flatteur d’être considéré comme « l’homme à tout faire », mais cela comporte des limites?
IL faudrait convaincre les professeurs de piano qu’il n’est pas moins pianiste qu’eux. IL serait bon, d’ailleurs, que les jeunes pianistes apprennent assez tôt à jouer avec des instrumentistes (pourquoi pas sous la direction de l’accompagnateur ?) et travaillent des accompagnements techniquement simples. Ils prendraient ainsi conscience qu’il ne suffit pas d’avoir des doigts pour jouer avec les autres et qu’il n’est pas si simple d’être accompagnateur.
L’accompagnateur pourrait ainsi jouer un rôle pédagogique auprès des pianistes, et créerait le lien souvent absent entre les élèves des classes de piano et les autres. Outre le plaisir musical de jouer ensemble, tous réaliseraient quelle qualité d’écoute et quelle disponibilité ils doivent acquérir en plus de leur technique instrumentale. Les mentalités changeraient un peu : peut-être les pianistes verraient-ils à quel point il est réducteur de ne penser qu’à jouer seul, les instrumentistes réaliseraient, après avoir eu quelques difficultés à jouer avec certains pianistes, quelle importance l’accompagnateur peut avoir?
Pourquoi ne pas intégrer, comme cela se fait dans certains conservatoires, des accompagnements d’oeuvres vocales ou instrumentales dans les programmes de fin d’année des pianistes ? Quelques concours internationaux de piano comportent d’ailleurs une épreuve de lied ou de mélodie.
N’oublions pas que, contrairement aux autres professeurs, l’accompagnateur sera jugé sur ce qu’il fait et non pas sur ce qu’il sait faire. Il n’a pas le droit à l’erreur. Il faut donc l’aider à être dans les meilleures conditions pour exercer son métier, métier qui peut être pour lui et pour les autres une grande source d’enrichissement et de plaisir.
Article paru dans la Lettre du Musicien mai 2001
Propos recueillis par Stéphane Friédérich
ETRE PIANISTE ACCOMPAGNATEUR EN 2001 – UN METIER INDISPENSABLE QUI DOIT ETRE RECONNU
L’Association Nationale des Métiers de l’Accompagnement Musical (ANMAM) a vu le jour voici deux ans, alors que le métier d’accompagnateur est un débouché capital pour les pianistes et que d’innombrables activités musicales-pédagogiques, de recrutement, de répétitions musicales comme chorégraphiques, de concerts!- ne sauraient s’élaborer sans eux. Ils seraient un millier à en vivre.
Michel Tranchant, professeur au CNSMD de Lyon et président de l’Anmam
-Quels sont aujourd’hui les besoins des conservatoires de musique en matière d’accompagnateurs .
Une étude récente réalisée par l’Anmam s’est intéressée au nombre de postes nécessaires au sein des écoles nationales et des conservatoires de région. Les conclusions ont été claires : l’idéal serait un ratio d’un poste d’accompagnateur par centaine d’élèves à accompagner.Nous sommes loin du compte, puisque nous atteignons péniblement, en moyenne, 4 ou 5 accompagnateurs par ENM ou CNR.
-Quelle est la représentativité de l’Anmam .
L’association a été créée il y a deux ans. Elle regroupe aujourd’hui une centaine d’adhérents, aussi bien au sein des écoles de musique ( de l’école municipale au CNSM) que dans les compagnies de danse, les théâtres, les opéras. La principale difficulté que nous rencontrons est la diffusion de l’information sur le plan national.
Aucun recensement des accompagnateurs n’a été réalisé ; j’estime toutefois qu’il en existe certainement plus d’un millier. Notre profession ne s’est jamais unie ; l’individualisme se rencontre plus fréquemment que la solidarité. Certaines régions sont plus dynamiques que d’autres. C’est le cas en Bretagne, en Lorraine et en Rhône-Alpes. Mais ces exemples ne sont significatifs que parce que les musiciens concernés se sont engagés avec force dans une démarche militante.
-Craignez-vous aujourd’hui la disparition de votre profession .
C’est moins une disparition que nous craignons qu’un mauvais emploi et qu’une paupérisation de notre profession. Pourtant le ministère de la Culture a créé en 1989 un DE d’accompagnateur, puis un premier CA en 1993, suivi d’un second en 1997. Or les recrutements de musiciens accompagnateurs n’ont pas suivi.
-Quelle est la situation actuelle du métier d’accompagnateur ?
La reconnaissance de notre métier se heurte en partie à l’impossibilité de le faire coïncider avec un cadre d’emploi déterminé : nous sommes à la fois des interprètes- en concert- et des enseignants-face à l’élève.
Ce métier demande par conséquent des compétences spécifiques qui ne peuvent être valorisées que par l’ouverture sur les pratiques les plus diverses. Cette pluralité de nos tâches est parfois la porte ouverte aux excès, au sein notamment des grands conservatoires. Certains directeurs ou enseignants estiment que nous sommes corvéables à merci, sans emploi du temps précis, en fonction des besoins. Nous passons ainsi de période sans activité à une disponibilité de 24h sur 24 pendant huit jours. Je vous assure que je n’exagère pas !
Est-ce que ces établissements ont engagé davantage d’accompagnateurs ? N’est-il pas stupéfiant que le CNR de Versailles ne dispose d’un accompagnateur « officiel » que depuis cette année ?
Le métier d’accompagnateur ne vit pas sans la pratique du cumul. Il est nécessaire la plupart du temps sur le plan financier, mais surtout dans la pratique renouvelée de notre formation, en permanence « continue ». Plus l’accompagnateur enrichit sa culture personnelle, sa technique au déchiffrage dans les répertoires les plus diversifiés, plus il devient performant.
-Quelles sont vos priorités de réflexion et d’action .
Il faut réaliser une étude approfondie des besoins au sein des établissements et une étude des moyens financiers que représenterait l’engagement d’accompagnateurs plus nombreux, titulaires et non vacataires. Le musicien accompagnateur ne peut être rattaché qu’au ministère de la Culture. Cela pose de sérieux problèmes, notamment vis à vis des concours de la fonction publique territoriale.
Il faut également que l’organisation des examens pour l’obtention du DE d’accompagnement soit totalement revue. Les disparités entre les épreuves sont aberrantes et contraires au principe d’égalité au sein d’un même cadre d’examen. Ainsi pour passer le DE, on vous demande à Dijon des travaux d?harmonisation sur de la musique baroque ou de la renaissance, à Montpellier, ce sera sur une oeuvre de Bernstein, à Metz sur de la musique chinoise pentatonique.
Il faut enfin respecter cette profession et la compétence des interprètes. Le répertoire est si vaste que nous ne pouvons éviter la spécialisation.
Le fichier de musiciens que nous attendons est indispensable pour gérer les flux professionnels : songez aux orchestres lorsqu’ils souhaitent recruter dans tel ou tel pupitre et qu »ils savent que tel accompagnateur possède tous les grands concertos réclamés pour le poste à pourvoir.
-Quel est aujourd’hui l’action prioritaire de l’association .
Faire connaître l’association, travailler à la reconnaissance du métier de musicien-accompagnateur, noble et non pas seulement « nécessaire ». Nos problèmes restent trop ignorés dans les bureaux, qu’ils soient directoriaux ou ministériels.
Nous sommes une « plaque tournante » dans tout établissement d’enseignement, un maillon indispensable dans toute maison d’opéra ou corps de ballet. Nous souhaitons apporter le maximum de notre savoir-faire à l’épanouissement de toute vie musicale et artistique. Cela demande disponibilité, souplesse, un certain don de soi. En échange, nous attendons une reconnaissance, moins de précarité, ne plus être considérés comme « les musiciens de l’ombre ».
Nous n’en sommes qu’aux prémices d’une réflexion sur un métier que l’on feint de ne pas « voir » mais qui s’avère malgré tout incontournable.
MEMOIRES
L’invention du métier d’accompagnateur par Bruno Puren
Mémoire de DEA Musique, Histoire, Société (Fichier PDF de 640ko)
Présentation :
« Ces dernières années ont été particulièrement riches en évènements pour l’accompagnement. Création de l’Association Nationale des Métiers de l’Accompagnement Musical, rédaction de Chartes de l’accompagnement et création dans certains conservatoires de départements accompagnement, organisation de journées de réflexions et de débats.
Face à cette effervescence et au problème toujours présent d’un manque de reconnaissance (toujours peu de postes à CA d’accompagnateurs notamment), j’ai voulu prendre du recul, sortir d’un rôle «d’activiste» et essayer d’analyser objectivement les phénomènes des changements actuels sous une perspective sociologique.
J’ai suivi pour cela trois pistes :
1. A travers un recensement exhaustif des élèves de la classe d’accompagnement du Conservatoire de Paris depuis 1798 jusqu’à 2003, j’ai cherché à comprendre les différentes optiques de la classe et son évolution au cours du temps.
2. Une série d’entretiens m’a permis de mieux cerner les personnalités des accompagnateurs. Pour des raisons de temps, j’ai limité ces entretiens à des accompagnateurs travaillant en établissement spécialisé d’enseignement musical (une étude sur une palette plus large reste à faire). J’ai comparé les traits dominants et communs qui ressortaient de ces entretiens avec les stéréotypes négatifs prégnants que l’on trouve dans la littérature. Ceci donne déjà une idée du décalage entre l’image sociale de l’accompagnateur et la réalité de certains parcours de vie.
3. La troisième partie veut analyser les changements en cours à travers la théorie de l’identité sociale. Cette théorie explique les stratégies individuelles ou collectives mises en place par des groupes socialement dévalorisés.
Cette étude s’est faite à travers le DEA que j’ai suivi cette année à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et se poursuivra vraisemblablement sur une thèse. Vos commentaires et suggestions sont les bienvenus.
N.B. : Vous pouvez télécharger ce mémoire en cliquant sur ce lien mem_bpuren (Fichier PDF de 640ko), seuls manqueront deux graphes qui se plaçaient en fin de première partie (évolution globale), que j’ai retirés pour des raisons de confidentialité et de taille de fichier. »